Du « Pourquoi » au « Pour quoi » dialoguer avec les parties prenantes de l’entreprise !
Le dialogue avec les parties prenantes devient ces jours-ci un sujet essentiel dans toutes les entreprises. Découvrons ce dialogue qui ne révélera tous ses bienfaits en termes d’innovations et d’améliorations du fonctionnement des entreprises et de leurs écosystèmes (partie 3) que si nous comprenons le sens du mot dialogue et l’origine du concept de parties prenantes (partie 2) et connaissons l’histoire de l’économie et de l’entreprise (partie 1).
Partie 1 – Commençons par une revisite de l’histoire de l’économie et l’entreprise.
A – Revenons d’abord sur l’économie, voyons comment elle a évolué à travers sa représentation et sa définition :
Dans l’Antiquité, Xénophon inventa le mot « économie » qui décrivait l’art de la gestion du foyer.
La notion d’économie (de oïkos la maison donc la communauté au sens élargi, et nomia la règle, la norme) désigne la norme de conduite du bien-être de la communauté, ou maison au sens élargi du terme.
Aristote fera une distinction entre « économie » et « chrématistique » qui est l’art de s’enrichir, d’acquérir des richesses. Cette distinction a été peu à peu oubliée.
Au XVIIIe siècle, James Steuart ne parle plus d’art. Il présenta le concept d’économie politique comme « la science de la police intérieure des nations libres » et ajouta un but : « un gagne-pain et des emplois sûrs pour tous dans une communauté où chacun prospère ». Peu après, Adam Smith donna sa définition de l’économie politique comme une science tournée vers un but. En 1844, John Stuart Mill en fera « la science qui décrit les lois des phénomènes de société qui se produisent du fait des opérations conjointes de l’humanité pour la production de richesses ». Lionel Robbins tenta en 1932 une nouvelle définition : « l’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens rares à usages alternatifs». Dans le manuel Principes de l’économie de Gregory Mankiw, la définition est devenue : « l’économie est l’étude de la manière dont la société gère ses ressources rares ». Paul Samuelson publia L’économique en 1948.
Au XXe siècle, l’économie se définit comme science du comportement humain, avec l’idée d’homme économique rationnel. Si Adam Smith et d’autres économistes avaient reconnu 3 facteurs de production : la main d’œuvre, la terre et le capital, à la fin du XXe siècle il n’en reste que 2 pour les économistes : le travail et le capital.
Et maintenant peut-on envisager un nouveau récit pour l’économie du XXIe siècle ?
Le PIB qui mesure le total de la valeur marchande des biens et des services produits en un an à l’intérieur des frontières d’un pays, est-il toujours utile pour prévoir des comportements économiques et prendre des décisions, a-t-il encore un sens pour évaluer l’activité productive humaine ? La croissance peut-elle croitre à l’infini, mesure-t-elle toujours le progrès, inclut-elle l’humain et la Nature ?
« Depuis plus de 60 ans, les économistes nous répètent que la croissance du PIB est un équivalent acceptable pour le progrès, et qu’elle ressemble à une ligne qui ne cesse de monter. Au point de l’histoire humaine où nous en sommes, le mouvement qui décrit le mieux le progrès dont nous avons besoin est l’entrée dans un équilibre dynamique. Cela requiert une véritable transformation de nos métaphores : non plus « le bien est en avant et en haut », mais « le bien est dans l’équilibre », nous suggère actuellement Kate Raworth. »
B – Puis faisons un petit retour sur l’histoire économique de l’entreprise :
L’entreprise moderne n’a pas fait son apparition avant le XVIe siècle.
Avant cette date, l’entreprise était essentiellement une entreprise marchande. Le capitalisme marchand (ou capitalisme commercial) est né à Venise et domine entre le XIIe et le XIVe siècles.
À la fin du XVe siècle, l’Italie amorce un profond déclin au profit des Pays-Bas. Puis à l’image d’Amsterdam, les Anglais développent également des systèmes de brevets dès le début du XVIIe siècle et la définition des droits de propriété témoigne d’une nette évolution des idées en faveur de l’entreprise, qui peut réellement prendre son envol.
C’est ensuite à partir de ces entreprises marchandes que vont naître les premières entreprises industrielles. Le capitalisme industriel (libéral ou de libre-échange, concurrentiel) vit le jour en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle.
Au XIXe siècle, l’entreprise se transforme en entreprise patrimoniale. Au début du XXe siècle apparait l’entreprise technico-managériale.
Dans les années 1980, c’est l’entreprise actionnariale qui s’impose à travers le monde.
Mais maintenant un nouveau type d’entreprise émerge.
Les économistes définissent aujourd’hui l’entreprise comme une unité économique dotée d’une autonomie juridique qui utilise des facteurs de production et des produits intermédiaires afin de produire des biens et des services vendus sur un marché.
D’après l’INSEE, l’entreprise est une « unité économique, juridiquement autonome dont la fonction principale est de produire des biens ou des services pour le marché ».
En fait, l’entreprise n’existe que juridiquement à travers les sociétés et leurs différents statuts.
Dans l’article 1832 du Code civile de 1804, on peut lire : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».
Le mot « entreprise » désigne donc seulement l’idée, l’initiative, le mouvement émanant d’une communauté de personnes, avec pour aboutissement la création d’une société.
Cette conception confond entreprise et société, propriété des actifs productifs et propriété des actions de l’entreprise, intérêt de l’entreprise et intérêt de la société (ou des actionnaires).
L’entreprise réduite à ses actionnaires est un modèle récent. Entre 1950 et 1960 Milton Friedman construisit une nouvelle vision de l’entreprise : « l’entreprise actionnariale » dont son but est de maximiser ses profits, et donc la valeur qui revient à ses propriétaires, les actionnaires.
Les dirigeants économiques et politiques se convertirent à cette conception du capitalisme.
Si « la responsabilité sociale d’une entreprise était d’augmenter ses profits » selon Milton Friedman, l’affaire d’une entreprise est aujourd’hui de contribuer à un monde épanoui.
Face aux défis du XXI siècle, les entreprises ont besoin d’un objectif plus inspirant que la simple maximisation de la valeur pour les actionnaires. Alors les entreprises cherchent le bon modèle qui serve au mieux la Société et la Planète, qui reflète le contexte auquel nous sommes confrontés, les valeurs que nous incarnons et les buts de l’Humanité que nous vivons.
Bien qu’il n’existe pas un unique bon modèle d’entreprise (« tous les modèles sont erronés, mais certains sont utiles » disait George Box), une tendance émerge ces dernières années avec l’idée de l’entreprise élargie et ouverte, sans oublier que l’entreprise est vivante et à performance plurielle (économique, environnementale, sociale, sociétale, …).
On parle à présent de :
- L’entreprise et son écosystème
- L’entreprise et ses parties prenantes
Dans cette nouvelle ère, l’entreprise réfléchit à son utilité sociétale et dialogue avec son réseau de parties prenantes.
Toutes les entreprises sont concernées par le dialogue avec leurs réseaux de parties prenantes : quel que soit la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, qu’elle soit privée ou publique, engagée ou pas sur le chemin de l’entreprise à mission (SAM – société à mission selon la Loi PACTE).
Partie 2 – Maintenant que le décor est posé, examinons de plus près ce que représente le dialogue avec les parties prenantes.
A – Le dialogue, c’est quoi ?
« Dialogue est un mot d’origine grecque. « dia » = ce qui traverse et « logos » = la parole. Autrement dit, le dialogue est la parole qui traverse. » Le mot dialogue est utilisé dans le langage courant avec le sens de communication verbale entre plusieurs personnes.
En philosophie : Le dialogue est une manière de se parler. Basé sur le partage d’idées, il permet un face-à-face des conceptions qui tend vers autre chose, vers d’autres idées à découvrir, à inventer ensemble. Le dialogue avance constamment. Recherche, compréhension, clarification, vérification sont autant d’étapes d’un parcours dont l’issue est imprévisible. Et surtout, le dialogue propose un environnement dans lequel chacun est également capable de vérité et de sens. Lors de la pratique du dialogue, il s’agit d’engager une recherche collective dont le résultat dépend des participants. La pratique du dialogue philosophique est une enquête commune qui repose sur le principe que la multiplicité des points de vue peut contribuer à mieux comprendre ce qu’il y a à comprendre. Sans gagnants, ni de perdants, elle se veut ouverte et collaborative. La pratique du dialogue philosophique permet de travailler des compétences importantes, allant de la communication, à la collaboration en passant par l’éveil d’une pensée critique et créative.
Dans l’entreprise : le dialogue ce sont des interactions entre différentes personnes sur un sujet défini. C’est un échange dont le but est de résoudre un problème en s’appuyant sur l’argumentation et la collaboration. Les modalités sont multiples.
B – Les parties prenantes, quelles sont-elles ?
« Les parties prenantes (« Stakeholders ») sont les individus, les groupes d’individus ou les organisations qui ont un impact sur les activités, les produits et les services d’une organisation, et/ou qui peuvent être affectés par elles ».
Les acteurs et groupes d’acteurs sont les parties dont les activités ont un lien direct ou indirect avec celles de l’organisation. Ces différents groupes constituent l’écosystème de l’entreprise.
Les parties prenantes avec lesquelles l’entreprise interagit dans le cadre de ses activités, sont :
- Les salariés, les représentants du personnel,
- Les clients,
- Les fournisseurs (partenaires, prestataires, sous-traitants),
- Les syndicats, les organisations professionnelles,
- Les collectivités territoriales,
- Les concurrents,
- Les associations, les ONG,
- Les investisseurs, les actionnaires,
- Les citoyens, les générations futures,
- Les scientifiques, les experts,
- Les chercheurs, les enseignants,
- Le législateur,
- Les médias, les réseaux sociaux, …
C – Et enfin le dialogue avec les parties prenantes :
C’est un processus dynamique, interactif et constructif par lequel une entreprise engage, de manière volontaire, un échange avec des parties prenantes, internationales, nationales ou locales, internes et externes, afin d’éclairer sa prise de décision en fonction de leurs attentes.
Le dialogue avec les parties prenantes porte sur des sujets stratégiques. Les sujets doivent dépasser la gestion des risques, l’ajustement de la stratégie commerciale et la recherche de meilleurs partenaires face aux contraintes réglementaires et enjeux économiques.
Le dialogue avec les parties prenantes permet entre autres pour l’entreprise, de mieux s’intégrer à un écosystème et de comprendre les attentes de la Société civile, et pour les parties prenantes, d’élargir le point de vue des entreprises et de renforcer leur vision de long terme.
Même si le dialogue avec les parties prenantes n’est pas encore une pratique courante (peu de formalisme, pas de culture du dialogue), les entreprises comme les parties prenantes reconnaissent l’utilité du dialogue.
A ce jour, il existe autant de formes de dialogue qu’il existe d’entreprises. A chaque entreprise de mettre en place un dialogue qui reflète au départ la pratique existante du dialogue et de la communication dans l’entreprise, et qui accepte de coconstruire et d’expérimenter une nouvelle approche et méthodologie du dialogue avec ses parties prenantes. Chaque entreprise a la capacité d’initier un dialogue avec ses parties prenantes, si elle en a l’envie, et elle a ensuite la capacité de le faire évoluer lors de sa pratique, selon sa conscience et son niveau de maturité. Le dialogue avec les parties prenantes est un processus de réflexion et de réflexivité.
Partie 3 – Intéressons-nous à présent au dialogue et ses multiples bienfaits.
Le Dialogue de l’entreprise avec son Réseau de parties prenantes, c’est un nouveau Récit pour les Entreprises et un nouveau Regard pour les Parties prenantes.
Le dialogue entre dans une nouvelle ère et devient un outil stratégique pour l’entreprise. Il permet de réfléchir collectivement sur le long terme et de répondre aux défis sociaux, environnementaux et sociétaux.
Si le dialogue avec les parties prenantes c’est un contenu (avec divers sujets adressés), c’est aussi un processus de transformation de l’entreprise et son écosystème.
Dans sa mise en pratique et son expérimentation, le processus de dialogue va profondément transformer l’entreprise et son écosystème. Il va révéler tous ses bienfaits en termes d’innovations et d’améliorations du fonctionnement des entreprises, avec des changements à tous les niveaux de l’organisation (stratégie, structure, style de leadership, soft skills, …) et bien au-delà.
Le Dialogue avec les Parties prenantes (en 4R), c’est la Réciprocité des parties prenantes internes et externes, la Résilience de l’écosystème, la Reconnexion à la Société civile, la Régénération de la Planète.
Le Dialogue avec les Parties prenantes permet d’enclencher un ou plusieurs processus de transformation, avec des effets positifs dans et pour tout l’Écosystème (au sein du collectif en mouvement vers un but vivant), comme de :
- Regagner la confiance (confiance en les autres, confiance en l’avenir)
- Resserrer les liens avec les parties prenantes (relations durables, renaissance d’une dynamique commune)
- Réénergiser le collectif / Revivifier l’écosystème (lieu de ressourcement, espace de nouveaux apprentissages, nouvelles rencontres, nouveaux rendez-vous, nouvelles routines, nouveaux rituels, réactivité, prise de recul, nouveaux repères, nouvelles références)
- Réenchanter l’entreprise (nouvelles postures, nouveaux comportements positifs)
- Renouveler le sentiment d’appartenance (à une communauté, à un territoire)
- Redynamiser un territoire (rapprochement et coopétition, renvoi d’ascenseur)
- Se Réancrer dans la réalité (reflet systémique, retour à l’essentiel, aux sources et/ou à l’ADN de l’entreprise)
- Se Rouvrir au monde (résonance avec la Société civile, la Planète et l’Humanité, reconstruction d’un imaginaire collectif)
- Réaffirmer sa contribution collective à un monde meilleur (rapport d’utilité sociétale, revue d’actions concrètes et retombées positives)
- Recréer un environnement propice à l’innovation sociétale (révision des concepts, recueil de nouvelles idées, retour d’expérience, relai de bonnes pratiques)
- Roder un nouveau processus de transformation durable et responsable (expérience du deutero-apprentissage c’est-à-dire faire l’apprentissage de l’apprentissage)
- Revisiter les engagements de l’entreprise pour aller plus loin
- Réassurer le modèle d’organisation (remise en cause, réajustement, régulation)
- Réinterroger la stratégie d’entreprise (retouches et réitérations)
- Réformer la gouvernance (réévaluation de la pertinence d’élargir la prise de décision aux parties prenantes externes, réactualisation des codes de gouvernance)
- Renforcer la congruence et la cohérence (rééquilibre de la réflexion, des actions et des émotions)
- Ou d’autres effets qui vont se Révéler à vous !
Soyons conscients que la mise en pratique du dialogue avec les parties prenantes va possiblement rencontrer quelques obstacles et freins, dont par exemple certains seront liés :
>à la personnalité et aux croyances des Dirigeants à lancer une telle démarche (avec les peurs de l’ouverture de l’entreprise, du manque de confidentialité, de la perte de contrôle et du pouvoir, des conflits d’intérêt, …)
>aux Parties prenantes (avec la confrontation de cultures et de valeurs différentes, la gestion des conflits, le manque d’intérêts collectifs, la mauvaise représentativité des acteurs, …)
>à l’Equipe opérationnelle chargée du dialogue avec les parties prenantes et au Comité de parties prenantes (avec le manque de préparation du projet sociétal et collectif autour du dialogue, le manque d’expérience en termes d’animation de groupes hétérogènes et de développement de l’intelligence collective, le recours à des consultants non spécialisés, …)
Mais retenons surtout que le dialogue avec les parties prenantes, ce sont assurément des bénéfices pour tous (parties prenantes internes et parties externes).
Et pour vous donner envie d’expérimenter les bienfaits du dialogue avec les parties prenantes, rappelez-vous que le dialogue en entreprise entre dans une nouvelle ère et qu’il est à la fois : un concept puissant, une démarche coconstruite, un outil stratégique et un profond processus de transformation.
Le dialogue c’est plus qu’un sujet dans l’air du temps : c’est une transformation avec un processus de conscientisation, un processus de co-construction et un processus de codéveloppement !
Et maintenant c’est à vous ! Eclairé(e) sur tous les bienfaits du dialogue avec les parties prenantes, vous êtes prêt(e) à vous lancer dans cette nouvelle aventure humaine, tout en étant accompagné par un cabinet de conseil et de coaching !